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Je me souviens V

Manyatta. Je décide de louer quelque chose doté de 4 roues et un moteur, et accompagnée de Emilie, Kool, Mepukori et Jo, 3 amis maasai, nous voilà partis à l’aventure. Objectif : atteindre le village de l’oncle de Kool, pour participer à une cérémonie de passage de caste. Sans rien y comprendre d’avantage, mais bien contente du challenge, je me mis au volant de ma super Toyota Cerola, avec « We love God » imprimé sur le pare-brise arrière et une déco intérieure agrémentée de rideaux bordeaux en velours. Je noterais plus tard que autre « We love God » vous rencontrerez également « I trust in God », « I love Christ », « Allah is love », « Christ protect me » sur les pares brises des véhicules ou protège-boue des mobylettes africaines, du Rwanda au Swaziland et sûrement ailleurs. Si vous êtes chanceux, vous pourrez même avoir le modèle « We trust in God » entouré de guirlandes clignotantes. Nous décidons de passer la première nuit à la belle étoile. Autour d’un feu de camp, utile aussi bien pour faire griller le pain, se réchauffer et éloigner les prédateurs aux aguets, me revoilà à devoir répéter une énième fois l’histoire du petit tailleur de pierre « just a little man » sur les chants de mes amis, quand nous fûmes surpris par le vol de pélicans roses juste sur notre tête. Un spectacle saisissant. La nuit fût rude et froide, étouffée entre mes 4 compagnons ronfleurs et à devoir lutter pour récupérer le bout de couverture qui me revenait, en vain. Je pressentais alors que ce serait le début d’une aventure plus périlleuse que je ne l’aurais imaginé. Là, aujourd’hui, je ne sais plus pourquoi je raconte tout ça. Peut-être dans l’espoir de trouver le fil conducteur du récit de ma vie, peut-être suis-je encore à la recherche de quelque réponse. Du fameux « mais comment j’en suis arrivée là ? ». C’est incroyable la vitesse à laquelle les situations peuvent changer dans une seule vie. Tout du moins dans la mienne. Sourire. Oui, malgré tout, je souris. Ce soir, je suis affalée sur mon sofa, affrontant ma deuxième malaria de l’année, en passe d’affronter un divorce, pleine de doute quand à la manière dont se déroulera le contenu des pages prochainement écrites, mais. Mais je suis fière. Oui, fière. Fière d’avoir su affronter cette dernière année sans trop de bleus. Je suis désormais une jeune maman célibataire, patron d’une petite entreprise de design et de graphisme, gérante d’un resto qui devrait bientôt ouvrir ses fenêtres sur la baie d’Inhambane, et qui mène une vie sociale plutôt sympathique. Je me souviens. Je me souviens alors mes états d’âme sur ce bateau qui me ramenait des mes cours de Français. Ces moments de passion avec le vent, avec le soleil, je m’évadais, me refusant d’admettre que je ne faisais que fuir le moment de pousser le petit portail blanc qui me retenait à ma vie que je jugeai médiocre. Je m’inventais alors que le vent, qu’un dieu, était tombé fou amoureux de moi. Et qu’il me caressait chaque matin le visage, sur ce bateau, qu’il me parlait, me rassurait, et me disait que tout irait bien. Je pensais à lui et m’en voulais de le tromper chaque fois que je poussais ce petit portail blanc. Et pourtant, je l’aime tant mon petit portail. Il donne sur un petit jardin où vivent un manguier, un oranger, un palmier, des papyrus et plein d’autres petites plantes. Puis la porte, toujours ouverte la journée, et protégée d’une moustiquaire après 5 heure. Ce salon, mon salon, au sol couvert d’un vert où s’inscrit le temps passé ici. J’adorais cette vue, cette sensation de rentrer chez moi. Chez Moi. Pas chez nous. Les pas d’Aurelio qui hurlait « bonjoiu mama ! » et ses bras qui s’enlaçaient autour de mon cou. Bonheur. Puis le voir, lui, que j’avais tant aimé, n’étant même plus l’ombre de ce que j’avais désiré, me rappelant douloureusement qu’il fallait désormais que je fasse un choix. Malheur. Comment j’allais le lui dire, que je n’y arrivais plus, que je n’y croyais plus, que j’étais lasse tout seule et que j’avais peur. Terriblement peur. Que je voulais encore y croire, mais cette petite voix, satané mouche, qui me susurrait machiavéliquement, que je n’étais pas heureuse. Pas avec lui. Alors je me fis forte, pensant innocemment que le plus dur était passé. Qu’il suffirait de passer le cap, et que tout irait bien. Raté. Ce fut plus douloureux que je ne l’aurais imaginé. Car d’un coup, d’un seul, je me retrouvais seule. Seule avec Aurelio, seule à devoir épauler Marco, seule à devoir affronter les difficultés financières, devant le frigo vide, seule devant les bouquins de ma formation de décoratrice, seule face à mes barbouillages, seule face à moi et quand je m’écroulais de fatigue, seule dans mon lit. Ca, je ne le réalisais encore pas. Pas un soupçon. Mais je découvrirais que je ne serais pas seule à m’épauler. J’apprendrais à lâcher prise, comme me l’avait si bien répété Josefat. Lâcher prise. Savoir s’arrêter, sourire, regarder cette fleur, pointer son nez au ciel et découvrir un spectacle fabuleux. Rentrer chez soi et construire un monde rempli de petits bonheurs, de rires d’enfants et se dire que parmi eux, il y a le sien. Finalement, ce n’étais pas compliqué, juste s’arrêter un peu, et se souvenir de ce que l’on avait mis trop peu à oublier. Si simple, mais si douloureux. (...)

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